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Vers l’implosion ? Voir la version PDF

Danièle Hervieu-Léger, Jean-Louis Schlegel
Samedi 8 juillet 2023 — Dernier ajout mardi 15 octobre 2024
Vers l’implosion
Entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme

Danièle Hervieu-Léger, Jean-Louis Schlegel
Seuil, 2022

Dans ce livre d’entretiens avec Jean-Louis Schlegel, la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger développe sa vision d’un christianisme atteint par deux crises qu’ils analysent, celle du Covid-19 et celle ouverte par la publication du rapport de la Ciase, un christianisme très certainement en voie de disparition dans sa forme actuelle, qui devra trouver une nouvelle forme d’existence sociale, plurielle, diversifiée, diasporique, qu’elle nomme « christianisme hospitalier » , et de mener quelques réformes d’ordre théologiques.

Déjà, dès 2003, Hervieu-Léger avait décrit « l’exculturation du christianisme » , ce détachement de la culture catholique s’éloignant à bas bruit de la culture commune.

Elle repère l’évolution contemporaine de l’autonomie du sujet, y compris du « sujet croyant qui revendique d’être lui-même responsable de sa vie de foi« , d’où «  la mise en valeur de la figure du converti » qui choisit son identité religieuse. À propos du concile Vatican 2, les deux sociologues en soulignent la hardiesse, mais que les réformes attendues n’ont pas été mises en œuvre alors qu’arrivaient les bouleversements sociétaux consécutifs à Mai 68. La publication de Humanae Vitae, signe d’une volonté de l’Église de contrôler et diriger l’intimité familiale, a accéléré la fuite des fidèles et créé un « schisme silencieux ». L’exculturation du catholicisme, qui découle de la volonté de l’Église de posséder la vérité, n’est cependant pas le tout de cet effondrement.

Le fait est que l’Église se recompose sur « ceux qui restent« , les charismatiques, les observants que l’on nomme souvent « traditionalistes » dont on a vu récemment qu’ils sont sensibles à un catholicisme identitaire pourtant éloigné des valeurs traditionnelles de l’Église. La diminution du nombre de pratiquants fragilise l’existence des paroisses, et peut donner lieu à d’autres formes de communalisation.

Des réformes sont à mener qui ne le seront pas dans un avenir proche, non seulement à cause de la diminution du nombre de catholiques, ni à l’opposition des « tradis » et des chrétiens en dialogue avec le monde mais plutôt à cause du cléricalisme que dénonce le pape François, ce pouvoir sacramentel et décisionnel, lié à la conception du sacré, confié « aux clercs ordonnés, mâles et célibataires ». Les auteurs n’imaginent pas que le synode qui aura lieu en 2023 permettra des avancées, lesquelles seront combattues par la Curie et ceux qui sont restés dans la ligne des papes Jean-Paul 2 et Benoît XVI.

Les auteurs repèrent et citent des évolutions qui « interdisent d’écrire le faire-part de décès du christianisme et la fin de toute sociabilité catholique ». Se référant à l’hospitalité du monde monastique qu’elle connaît bien, Danièle Hervieu-Léger estime que l’Église existera autrement, exculturée de par sa propre volonté, pratiquant un « christianisme hospitalier » accueillant l’autre tel qu’il est, ce qui est à l’opposé de l’individualisme contemporain, sans le juger, sans lui imposer ses valeurs.

De par sa forme d’entretiens entre deux sociologues, cet ouvrage est tout à fait accessible. Il porte une analyse approfondie de l’Église actuelle dont l’avenir n’est pas écrit. L’ouvrage est une invitation à ne pas désespérer de ce qui s’est passé, à ne pas se crisper, à envisager une Église diasporique et diverse . C’est un livre qui devrait suscité des débats, des réflexions, et… des disputes.

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